Sam Fontaine, productrice et fondatrice de Carnibird

Photo d'une publicité produite par Carnibird

Un métier d’esclaves

dans lequel on ne compte pas ses heures, on n’a pas de jours, pas de nuits et pas de week-ends.

Un métier dans lequel il n’y a pas de règles

Où tout est histoire d’envie et de volonté. Que ce soit celles d’apprendre et d’évoluer, ou celles d’accompagner et de voir éclore des talents : des artistes comme des jeunes producteurs.

Un métier d’intuitu personae

Où tout est affaire d’alchimie. Entre le réalisateur et le producteur, entre le producteur et l’agence… Car en production, rien ne peut se faire seul. La finalité c’est donc cette chaîne humaine, qui a la force du maillon le plus faible. Alors on s’entoure de gens qui ont envie de mettre un peu de supplément d’âme dans leur travail.

En cela, c’est un métier d’obsessions

Parce qu’on doit faire le meilleur film possible à chaque fois. On fait de la pub pour parler aux gens, pour vendre des produits, on ne peut pas le perdre de vue. On se dit qu’il y a peut-être des emplois en jeu, des usines qui ne fermeront pas. Plus qu’un prix à Cannes, ma récompense à moi c’est quand ma mère m’appelle pour me dire qu’elle a vu le film Intermarché et qu’elle l’a adoré.

Alors on cherche. Ce qui est magique, c’est ce moment où le déclic se passe. Entre l’instant où on reçoit un script, qui raconte une histoire le plus simplement possible, et le temps où on rêve le film avec le réalisateur. Où on tombe amoureux d’une note d’intention.

Ensuite, c’est une question d’équilibre. Entre ce qu’on lâche et ce qu’on retient. Si on fait trop de concessions, le film ne ressemblera plus à ce à quoi il devrait, mais ne rien lâcher n’est pas une option. Un film, de pub comme un autre, c’est un objet vivant, qui doit se nourrir d’une somme de contraintes. La confrontation au réel est très importante.

C’est là où ça devient un métier de conviction

Quand j’ai commencé, on s’envoyait des fax pour communiquer. On partait en repérage avec nos appareils photos, on faisait développer nos pellicules pour voir ce qu’il en ressortait. Depuis toutes ces contraintes techniques ont disparu et, en contrepoint, les délais se sont raccourcis. Il faut être capable de penser très rapidement. De trancher très rapidement. Car les seules vraies zones de danger sont les zones de flottement. C’est une partie très importante et très excitante du métier de producteur. Prendre des décisions et les assumer. D’autant qu’on a un client de plus que l’agence et l’annonceur : le réalisateur.

La seule peur à avoir doit être celle de mal faire. J’ai bossé en agence une dizaine d’années, la peur y est omniprésente, notamment parce qu’il s’agit le plus souvent de multinationales qui ont des comptes à rendre. Leur plus grand moteur reste l’argent. Leur plus grand ennemi c’est le non-refacturable. En production, le non refacturable, c’est le coeur du métier. On est plus dans la passion plus que dans la raison.

Il faut garder en tête qu’on ne fait pas des modèles industriels, tout ce qu’on fait ce sont des prototypes. On est là pour accompagner les réalisateurs et les créatifs dans leur dialogue, pour réfléchir ensemble, pas pour faire des compromis.

Ensuite, reste à ce que l’accouchement se passe pour le mieux

Le tournage est un moment extraordinaire. C’est une fête, tu donnes vie à un objet, c’est dur, tu dors peu, tu penses à la pression que chacun subit. Les gens en bavent mais à la fin tout le monde doit être fier.

En ce sens, c’est un métier d’addicts

Pas de drogués, ni d’alcooliques. Mais d’addicts à cette montée d’adrénaline qui fait partie de notre quotidien. On perd un décor, l’acteur sur lequel on a misé pendant des semaines, on doit trouver des solutions… Ce sont les montagnes russes permanentes.

Enfin, c’est un métier de résiliants

On est sans cesse en compétition. Et lorsque l’on perd, c’est toujours une grosse désillusion. Economique. Parce que les compétitions ne sont pas dédommagées et que chacune peut facilement représenter 5000 euros d’investissement. Affective, parce que le film dont tu étais tombée amoureuse ne verra pas le jour. Parce que tu dois dealer avec la déception de ton réalisateur et de tous les talents que tu avais embarqués : du chef déco au responsable de post production. Il faut accepter, rassurer, et rebondir. Le coeur lourd mais l’air léger.

En définitive, je fais le seul métier que je voudrais faire. »

Interview réalisée par Emmanuelle Grossir

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